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 Scoutisme de Baden-Powell 

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Les chiens rouges

Par nos nuits, nos belles nuits — la course et le bois attaque
Bien quêté, loin guetté, droit mené, fin traqué!
Par le flair de l'aube si pur jusqu'à l'adieu de la rosée!
Par les galops dans le brouillard, la bête dans la reposée!
Par le cri de nos louves quand le sambhur fait tête d'abord!

Par les nuits ivres de risque et de mort!
Par les siestes, le jour, au repaire! —
Le pacte est bon, bonne la guerre.
Bien Aller! Plus fort!

Ce fut après la descente de la Jungle que commença la période la plus agréable de la vie de Mowgli. Il avait cette paix de conscience qui suit le règlement d'un juste compte; et toute la Jungle lui était amie, car toute elle le craignait. Les choses qu'il fit, vit et entendit, en vaquant de l'un chez l'autre, avec ou sans ses quatre compagnons, fourniraient matière à beaucoup, beaucoup d'histoires aussi longues, chacune, que celle-ci. Par exemple vous ne saurez jamais comment il échappa à l'éléphant enragé de Mandla, celui qui tua vingt-deux boeufs traînant onze chariots de monnaie d'argent à destination du Trésor et dispersa dans la poussière les roupies neuves; comment il combattit Jacala, le Crocodile, toute une longue nuit, dans les Marais du Nord, et brisa son couteau de chasse sur le dos cuirassé du monstre; comment il trouva un autre couteau, neuf et plus long, au cou d'un homme qui avait été tué par un sanglier, et comment il traqua le sanglier et le tua en juste paiement du couteau; comment, pendant la grande famine, il se trouva pris dans la migration des Cerfs et faillit périr écrasé parmi le reflux des hordes fumantes; comment il sauva Hathi le Silencieux d'une fosse dont le fond était armé d'un pieu, et comment, le jour suivant, il tomba lui-même dans une trappe à léopards des plus ingénieuses, dont Hathi brisa autour de lui les épais madriers; comment il alla traire les buffles sauvages dans les marécages et, comment...

Mais il faut raconter une histoire à la fois.

Père Loup et Mère Louve moururent, et Mowgli roula une grosse pierre contre la bouche de la caverne et pleura sur eux le Chant de Mort. Baloo devint très vieux et tout raide, et Bagheera même, dont les nerfs étaient d'acier et les muscles de fer, semblait plus lente à tuer. Akela tourna du gris au blanc de lait par l'effet de l'âge; ses côtes saillaient, il marchait comme s'il eût été en bois, et Mowgli tuait pour lui. Mais les jeunes loups, les fils du Clan débandé de Seeonee, croissaient et multipliaient, et, lorsqu'ils atteignirent le chiffre d'une quarantaine, tous loups de cinq ans, sans maître, de pied net, Akela leur dit qu'ils devraient se réunir et suivre la Loi, et courir sous les ordres d'un chef, comme il convenait au Peuple Libre.

En cela Mowgli se garda bien de donner son avis; il avait, disait-il, mangé du fruit amer, et il savait sur quel arbre il poussait; mais lorsque Phao, fils de Phaona (son père était le Traqueur Gris au temps où Akela menait le Clan), eut gagné par une série de combats le droit de conduire le Clan suivant la Loi de la Jungle, et lorsque les vieux appels et les vieilles chansons se reprirent à sonner sous les étoiles, Mowgli revint au Rocher du Conseil en souvenir de l'ancien temps. S'il lui plaisait de parler, le Clan attendait qu'il eût fini, et sa place était sur le Rocher, au-dessus de Phao, à côté d'Akela. Ce furent des jours de bonne chasse et de bon sommeil. Nul étranger ne se souciait de pénétrer dans les jungles qui appartenaient au peuple de Mowgli, comme on appelait le Clan, et les jeunes loups devenaient gras et forts, et on apportait une foule de petits à l'examen. Mowgli ne manquait jamais une séance d'Examen, car il se souvenait de la nuit où une panthère noire avait donné au Clan un bébé brun tout nu, et le long appel : « Regardez, regardez bien, ô Loups! » remuait dans son coeur d'étranges émotions. Le reste du temps, il était au loin dans la Jungle, à goûter, toucher, voir et sentir des choses toujours nouvelles.

Un soir, au crépuscule, il s'en allait, trottant sans hâte à travers les collines, porter au vieil Akela la moitié d'un daim fraîchement tué, ses quatre loups sur les talons, se chamaillant un peu et se culbutant par pure joie de vivre, lorsqu'il perçut un cri qu'il n'avait pas entendu depuis les mauvais jours de Shere Khan. C'était ce qu'on appelle dans la Jungle le Pheeal, une sorte de hurlement que pousse le chacal lorsqu'il chasse derrière un tigre ou lorsqu'il y a quelque riche curée sur pied. Imaginez un mélange de haine, de triomphe, de crainte et de désespoir, au travers duquel loucherait une sorte de discordance, vous aurez quelque idée du Pheeal, qui s'éleva, retomba, frémit et s'étrangla dans le lointain au-delà de la Waingunga. Les Quatre aussitôt se hérissèrent en grondant. La main de Mowgli se porta à son couteau, et lui aussi fit halte comme si on l'eût changé en pierre.

Le cri monta de nouveau, moitié sanglot, moitié rire, absolument comme modulé par de flexibles lèvres humaines. Alors Mowgli respira profondément, et prit sa course vers le Rocher du Conseil, joignant sur sa route nombre de loups du Clan qui arrivaient en hâte. Phao et Akela siégeaient ensemble sur le Rocher, et, au-dessous d'eux, chaque nerf tendu, se tenaient assis les autres. Les Mères et les louvarts regagnaient au petit galop leurs liteaux; car, lorsque le Pheeal résonne, ce n'est pas le moment, pour les faibles, de rester dehors.

Ils n'entendaient plus rien que le murmure de la Waingunga dans l'ombre et les vents du soir parmi les hautes branches, quand, tout à coup, de l'autre côté de la rivière, s'éleva l'appel d'un loup. Ce n'était pas un loup du Clan, car ceux-ci entouraient tous le Rocher. L'appel se changea en un long aboiement désespéré : « Dhole! » disait-il, « Dhole! Dhole! Dhole! » Au bout de quelques minutes ils entendirent un bruit de pas harassés sur les roches, et un loup décharné, tout dégouttant d'eau, les flancs rayés de rouge, la patte droite de devant hors de service, les mâchoires blanches d'écume, se jeta au milieu de l'assemblée et vint se coucher, haletant, aux pieds de Mowgli.

Il voulait dire qu'il était un solitaire, pourvoyant à lui-même, à sa femelle et à ses petits, au fond de quelque gîte isolé. Won-tolla signifie un indépendant — qui ne relève d'aucun Clan. Tandis qu'il haletait, on pouvait suivre le va-et-vient de sa carcasse sous les grands coups de son coeur.

C'est la question que pose toute la Jungle, après le Pheeal. 

Le Clan grondait sourdement de la gorge.

Il avança une patte meurtrie, toute noire de sang coagulé. Il portait, en outre, de cruelles morsures aux flancs, près du ventre, et des plaies dans le poil ravagé de son cou.

Le Loup Franc se jeta sur elle d'un air affamé.

Phao entendit ses dents craquer sur un fémur et grogna d'un air approbateur.

Cela signifiait que le dhole, le Chien Rouge, le chien-chasseur du Dekkan, s'était mis en campagne, et les loups savaient bien que le tigre lui-même abandonne au dhole sa proie toute fraîche. Ils poussent droit devant eux à travers la Jungle, et ce qu'ils rencontrent, ils l'abattent et le mettent en pièces. Quoiqu'ils ne soient pas aussi gros ni moitié aussi rusés que le loup, ils sont très forts et très nombreux. Les dholes, par exemple, ne prendront pas le nom de clan à moins d'être une centaine d'individus solides, alors que quarante loups font un clan très sortable. Les courses errantes de Mowgli l'avaient mené au bord des hauts plateaux gazonnés du Dekkan, et il avait souvent vu les dholes dormir, jouer et se gratter sans crainte parmi les petits creux et les mottes qu'ils utilisent comme gîtes. Il n'avait pour eux que haine et mépris, parce qu'au flair ils ne sentaient pas comme le Peuple Frère, parce qu'ils n'habitaient pas dans des cavernes, et surtout parce qu'ils avaient du poil entre les doigts de pied, tandis que lui et ses amis avaient le pied net. Mais il savait, car Hathi le lui avait dit, il savait quelle terrible chose est un clan de dholes en chasse. Hathi lui-même s'écarte de leur route. Et, jusqu'à ce qu'ils soient tous morts, ou que le gibier se fasse rare, ils vont de l'avant, et tuent comme ils vont.

Akela, lui aussi, savait quelque chose des dholes; il dit à Mowgli avec calme :

Le Clan répondit par un aboiement profond, dont le fracas retentit dans la nuit comme la chute d'un arbre.

Il plongea en hâte dans l'obscurité, ivre de surexcitation sauvage, regardant à peine où il mettait le pied, et, par une conséquence naturelle, trébucha et vint tomber tout de son long sur les grands anneaux de Kaa, dans un endroit où le python surveillait une coulée de cerfs, au bord de la rivière.

Kaa s'était, comme d'habitude, moulé en une sorte de demi-hamac qui cédait moelleusement sous le poids de Mowgli. À tâtons, dans l'ombre, le garçon se pelotonna dans la courbe souple du cou pareil à un câble, jusqu'à ce que la tête de Kaa reposât sur son épaule; et alors il lui raconta tout ce qui était arrivé cette nuit-là dans la Jungle.

Durant le long espace d'une heure, Mowgli resta étendu parmi les anneaux, jouant avec son couteau, pendant que Kaa, la tête immobile au ras du sol, pensait à tout ce qu'il avait vu et connu depuis le jour où il était sorti de l'oeuf. La lumière semblait s'être évanouie de ses yeux et les avoir laissés comme des opales mortes; et, de temps en temps, il faisait, avec la tête, de petites passes saccadées à droite et à gauche, comme s'il chassait en rêve. Mowgli somnolait tranquillement : il savait que rien ne vaut un somme avant de se mettre en chasse, et il pouvait, par entraînement, s'endormir à son gré, quelle que fut l'heure du jour ou de la nuit.

Puis il sentit Kaa s'allonger et s'enfler sous lui, comme le gigantesque python se dilatait en sifflant avec le bruit d'une épée tirée d'un fourreau d'acier.

Il se dirigea, droit comme la flèche, vers le large courant de la Waingunga, et plongea un peu au-dessus de l'eau qui recouvrait le Roc de la Paix, Mowgli toujours à ses côtés.

Mowgli assujettit son bras gauche autour du cou de Kaa, laissa pendre son bras droit le long du corps et joignit ses pieds allongés. Alors Kaa se mit à remonter le courant comme lui seul pouvait le faire, tandis que les rides de l'eau refoulée se relevaient en fraise autour du cou de Mowgli, et que ses pieds ondulaient de-ci de-là dans les remous qui fouettaient les flancs du python. Un mille à peu près au-dessus du Roc de la Paix, la Waingunga s'étrangle dans une gorge dont les parois de marbre ont quatre-vingts ou cent pieds de haut, et le courant file comme un canal de moulin par-dessus et parmi toutes sortes de vilaines pierres. Mais Mowgli ne s'inquiétait guère de l'eau : aucune eau du monde n'eût pu lui donner un moment de frayeur. Il examinait les parois de la gorge et reniflait avec malaise à cause d'une odeur aigre et douceâtre dans l'air, assez semblable à celle d'une grosse fourmilière par un jour de chaleur. Instinctivement il se baissa dans l'eau, ne sortant la tête que tout juste pour respirer, et Kaa vint jeter l'ancre, d'une double torsion de queue, autour d'un rocher du fond, en maintenant Mowgli au creux d'un anneau, tandis que l'eau fuyait le long de leurs corps.

Les rochers de cette gorge de la Waingunga, fendus comme ils l'étaient, rongés par les intempéries, servaient, depuis le commencement de la Jungle, de demeure au Petit Peuple des Rochers, aux abeilles noires sauvages de l'Inde, toujours affairées et furieuses; et, comme Mowgli le savait bien, sur un espace d'un demi-mille autour de leur patrie toute trace s'écartait. Depuis des siècles le Petit Peuple s'y était fixé, essaimant de fissure en fissure, sans se lasser d'essaimer encore; des traînées de miel desséché tachaient le marbre blanc, tandis que, hauts, profonds et noirs, les rayons s'étageaient dans l'obscurité des grottes. Et ni homme, ni bête, ni feu, ni eau ne les avaient jamais atteintes. La gorge, dans toute sa longueur, semblait, sur les deux côtés, tendue de velours sombre à reflets miroitants, et Mowgli se laissa couler davantage en regardant, car c'étaient les millions d'abeilles agglomérées, qui dormaient. On voyait encore des blocs et des festons et comme des troncs d'arbres pourris, bossuant la paroi du rocher : vieux rayons des années passées, ou nouvelles cités bâties dans l'ombre de la gorge abritée; et des masses de débris spongieux et pourris avaient roulé et restaient suspendus parmi les arbres et les lianes qui s'attachaient à la paroi. En écoutant, il entendit maintes fois le bruissement et le glissement des rayons trop chargés comme ils versaient ou s'en allaient tomber quelque part à travers les galeries sombres; puis un grondement d'ailes irritées, et le monotone goutte-goutte-goutte du miel perdu s'écoulant jusqu'au moment où il débordait d'une saillie à l'air libre et filtrait lourdement parmi les petites branches. Il y avait une grève minuscule, large de cinq pieds à peine, d'un côté de la rivière, où s'étaient haut amoncelés les détritus d'innombrables années. Là gisaient des abeilles mortes, des bourdons, des rayons vides, des ailes de phalènes et de scarabées maraudeurs qui s'étaient égarés là en quête de miel, tout cela confondu en tas arrondis de fine poussière noire. L'âcre odeur qui s'en dégageait eût suffi pour épouvanter tout ce qui n'avait pas d'ailes et n'ignorait pas ce qu'était le Petit Peuple.

Kaa remonta le courant de nouveau jusqu'à un banc de sable à l'entrée de la gorge.

La tête de Kaa reposait sur l'épaule mouillée de Mowgli, et sa langue vibrait à l'oreille du garçon. Après un long silence Mowgli murmura :

Lorsque Kaa n'aimait pas quelqu'un de sa connaissance il savait se montrer plus désagréable que personne dans la Jungle, sauf peut-être Bagheera. Il descendit le courant à la nage, et, en face du Roc, il tomba sur Phao et Akela en train d'écouter les bruits de la nuit.

Kaa, filant à contre-courant, vint, rapide comme l'éclair, s'amarrer de nouveau au milieu de la gorge, les yeux fixés en haut sur la ligne des falaises. Bientôt il vit la tête de Mowgli se profiler sur les étoiles, un sifflement passa dans l'air, suivi du schloup mordant et net d'un corps qui tombe les pieds les premiers; et, l'instant d'après, le corps se retrouvait au repos dans la boucle du corps de Kaa.

Il détacha son bras du cou du python, et descendit la gorge comme une poutre dans une crue d'orage, pagayant obliquement vers l'autre rive où le courant s'apaisait, et riant tout haut de bonheur. Il n'était rien que Mowgli préférât au plaisir de « tirer la Mort par la barbe », comme il disait, et de faire sentir à la Jungle entière qu'il était son seigneur et maître. Il avait souvent, avec l'aide de Baloo, volé des nids d'abeilles dans des arbres isolés, et il savait que le Petit Peuple déteste l'odeur de l'ail sauvage. Aussi en cueillit-il un petit bouquet qu'il noua d'un lien d'écorce. Puis il suivit la trace sanglante de Won-tolla, qui courait des liteaux vers le sud, pendant quelque cinq milles, regardant les arbres, la tête de côté et riant à gorge déployée.

Et il glissa son doigt tout le long des dix-huit pouces de lame de couteau.

La trace de Won-tolla, toute criblée de taches de sang noir, s'enfonçait dans une forêt d'arbres touffus, aux troncs serrés, qui s'étendait vers le nord-est, et se clairsemait peu à peu jusqu'à deux milles environ des Rochers aux Abeilles.

Du dernier arbre à la brousse naine des Rochers aux Abeilles s'étendait un espace libre où il y avait de couvert à peine pour cacher un loup. Mowgli trotta sous les arbres, évaluant les distances d'une branche à l'autre, grimpant de temps en temps à un tronc, et s'essayant à bondir d'arbre en arbre, jusqu'au terrain découvert qu'il étudia avec le plus grand soin durant une heure. Après quoi il s'en retourna, reprit la trace de Won-tolla où il l'avait laissée, s'installa dans un arbre dont une branche s'allongeait horizontalement à huit pieds environ du sol, accrocha son bouquet d'ail à la fourche de deux branches, et resta là, tranquillement, à aiguiser son couteau sur la plante de son pied.

Un peu avant midi, dans la grande chaleur du soleil, il entendit un bruit de pattes sur le sol et sentit l'abominable odeur du dhole, dont le Clan trottait, sans trêve ni merci, sur la trace de Won-tolla. Vu d'en l'air le Dhole Rouge ne paraît pas moitié aussi gros qu'un loup. Mais Mowgli savait de quelle force étaient doués ses pieds et ses mâchoires. Il guetta le museau pointu d'un chien bai, le conducteur, en train de flairer la piste, et lui cria :

L'animal leva la tête, et ses compagnons firent halte derrière lui : des chiens rouges par douzaines et par douzaines, à queues bas attachées, à solide encolure, à faible arrière-train, et à gueules ensanglantées. Les dholes sont d'ordinaire gens fort silencieux, et ils manquent de manières même dans leur Dekkan natal. Ils devaient être plus de deux cents rassemblés au-dessous de lui, mais Mowgli pouvait voir que les chefs de file flairaient avidement la piste de Won-tolla et tâchaient d'entraîner le Clan en avant. Il ne fallait pas de cela, ou bien ils seraient aux liteaux en plein jour encore, et Mowgli voulait les retenir sous son arbre jusqu'à la tombée de la nuit.

Et le dhole qui la fit montra ses dents blanches. Mowgli, du haut de l'arbre, le regarda en souriant et imita à la perfection le pépiement aigu de Chikai, le rat sauteur du Dekkan, voulant laisser entendre aux dholes qu'il n'avait pas pour eux plus de considération que pour Chikai. Le Clan se referma autour du tronc, et le chef aboya sauvagement, traitant Mowgli de singe grimpeur. Pour toute réponse Mowgli allongea une de ses jambes et agita les doigts de son pied nu juste au-dessus de la tête du chef. C'était assez, et plus qu'il n'en fallait, pour éveiller dans tout le Clan une rage aveugle : les gens qui ont du poil entre les doigts de pied n'aiment pas qu'on le leur rappelle. Mowgli retira sa jambe au moment où le chef sautait, et dit suavement :

Il agita ses doigts de pied une seconde fois.

C'était justement ce que Mowgli voulait. Il se coucha tout le long de la branche, la joue contre l'écorce, le bras droit libre, et pendant cinq minutes au moins raconta au clan ce qu'il pensait et savait de lui, de ses façons, de ses moeurs, de ses femelles et de ses petits. Il n'est pas au monde de langage plus âcre et plus blessant que celui dont se sert le Peuple de la Jungle pour montrer son dédain ou son mépris. Quand il vous arrivera d'y penser, vous verrez comment il n'en peut être qu'ainsi. Comme Mowgli l'avait dit à Kaa, il avait sous la langue beaucoup de petites épines, et graduellement, délibérément, il fit éclater les dholes silencieux en grognements, puis en hurlements, et finalement en rauques clameurs de rage écumante. Ils essayèrent bien de riposter à ses sarcasmes, mais c'était comme si un nouveau-né eût essayé de répondre à Kaa dans sa fureur et, tout le temps, la main droite de Mowgli pendait croisée à son côté, prête l'action, ses deux pieds refermés autour de la branche.

Le gros chien bai, chef du Clan, avait sauté plusieurs fois en l'air, mais Mowgli n'osait pas risquer un coup douteux. À la fin, la fureur décuplant ses forces, le dhole bondit à sept ou huit pieds au-dessus du sol. Alors la main de Mowgli se détendit comme la tête du serpent grimpeur, et l'agrippa par la peau du cou; la branche fléchit sous le poids au retombé du corps, et peu s'en fallut que Mowgli ne fût précipité en bas. Mais, sans lâcher prise, pouce à pouce, il hissa jusqu'à la branche l'animal qui pendait à son poing comme un chacal noyé. De la main gauche il chercha son couteau et trancha la rouge queue touffue; puis il rejeta le dhole à terre.

Il n'avait plus besoin d'autre chose : les dholes ne suivraient plus la trace de Won-tolla maintenant avant d'avoir tué Mowgli, ou que Mowgli les eût tués. Il les vit s'installer en cercle, avec un frisson des hanches, qui signifiait revanche à mort. Là-dessus il grimpa plus haut à la fourche des deux branches, s'adossa confortablement le dos, et s'endormit.

Au bout de trois ou quatre heures il s'éveilla et compta le Clan. Ils étaient tous là, muets, hérissés, la gorge sèche, avec des yeux d'acier. Le soleil commençait à baisser. Dans une demi-heure le Petit Peuple des Rochers aurait terminé son labeur, et, comme vous le savez, le dhole combat mal au crépuscule.

Il gagna l'arbre voisin, à la façon des singes, continua de même, gagnant le prochain, puis l'autre, suivi du Clan d'où se levaient des têtes affamées. Parfois il feignait de tomber, et les dholes se culbutaient les uns par-dessus les autres dans leur hâte d'être à l'hallali. C'était un spectacle étrange : le garçon dont le couteau luisait aux rayons obliques du soleil filtrant à travers les hautes branches, et, au-dessous, la meute silencieuse, avec des reflets d'incendie sur les pelages roux, se pressant à sa poursuite. Arrivé au dernier arbre, il prit le bouquet d'ail et s'en frotta soigneusement tout entier, tandis que les chiens poussaient des hurlements de dérision.

Le Clan, naturellement, à l'odeur du sang, se rua de quelques pas en arrière.

Il avait glissé le long du tronc de l'arbre, et filait comme le vent, sur ses pieds nus, vers les Rochers aux Abeilles, avant que les dholes se fussent aperçus de ce qu'il allait faire.

Ils poussèrent ensemble un hurlement profond et prirent, pour ne plus le quitter, ce petit galop, patient et régulier, qui met finalement aux abois toute créature en vie. Mowgli savait qu'en bande leur allure est beaucoup plus lente que celle des loups, sans quoi il n'eût jamais risqué une course de deux milles en terrain découvert. Ils étaient convaincus que le garçon finirait par leur appartenir; et lui se sentait sûr de les mener au gré de son caprice. Son unique soin était de les garder assez ardents sur sa trace pour les empêcher de faire demi-tour trop tôt. Il courait d'un pas net, égal, élastique, le chef sans queue à cinq mètres à peine de ses talons, et, en arrière, le Clan égrené sur une longueur d'un quart de mille, peut-être, aveuglé du délire et de la furie du meurtre. Il conserva ainsi sa distance au juger, se fiant à son oreille, et réservant son dernier effort pour l'élan à travers les Rochers aux Abeilles.

Le Petit Peuple s'était endormi à la tombée du crépuscule, car ce n'était pas la saison des fleurs qui s'ouvrent tard; mais, aux premières foulées de Mowgli sur le sol creux et sonore, le garçon entendit comme un bourdonnement de la terre tout entière. Alors il courut comme il n'avait jamais couru de sa vie, renversa d'un coup de pied une, deux, trois des piles de pierres dans les crevasses obscures d'où s'échappait une odeur douce; il entendit un mugissement pareil au mugissement de la mer dans une grotte, vit du coin de l'oeil l'air s'assombrir derrière lui, aperçut le courant de la Waingunga tout au-dessous, et, dans l'eau, une tête plate en forme de diamant; puis il sauta en avant de toute sa force, les dents du dhole sans queue claquant dans le vide contre son épaule, et, les pieds les premiers, tomba en sûreté dans la rivière, haletant et triomphant. Il n'avait pas une piqûre sur le corps, car l'odeur de l'ail avait arrêté le Petit Peuple juste les quelques secondes qu'il avait mises à traverser les rochers.

Lorsqu'il reparut la surface de l'eau, les anneaux de Kaa le maintenaient d'aplomb, et l'on voyait d'étranges objets bondir par-dessus le bord de la falaise — de gros blocs, semblait-il, d'abeilles en grappes, qui tombaient comme des plombs de sonde; et, dès que le bloc touchait l'eau, les abeilles remontaient, et le corps d'un dhole tournoyait au fil du courant. Au-dessus de leurs têtes ils pouvaient entendre de courts aboiements de fureur étouffés sous un grondement pareil à celui du tonnerre — le grondement des ailes du Petit Peuple des Rochers. Quelques-uns des dholes étaient même tombés dans les crevasses communiquant avec les grottes souterraines, et là, suffoquaient, luttaient et mordaient à vide parmi les rayons de miel écroulés, pour, à la fin, cadavres portés sur les vagues d'abeilles soulevées au-dessous d'eux, être vomis de quelque trou dominant la rivière, et s'en aller rouler sur le tas de décombres noirs. D'autres avaient sauté trop court, et, dans les arbres sur les falaises, on voyait les abeilles estomper leur silhouette : mais le plus grand nombre d'entre eux, affolés par les piqûres, s'étaient jetés dans la rivière, et, comme l'avait dit Kaa, l'eau de la Waingunga avait toujours faim.

Kaa maintint étroitement Mowgli jusqu'à ce que le garçon eût repris haleine.

Mowgli, son couteau à la main, descendit la rivière, nageant au ras de l'eau et plongeant aussi souvent qu'il pouvait.

Mowgli plongea de nouveau. La surface de l'eau était tapissée d'abeilles sauvages bourdonnantes de colère et piquant tout ce qu'elles trouvaient.

La moitié presque du Clan avait vu le piège où se précipitaient leurs camarades, et, tournant subitement de côté, s'était jetée dans l'eau, à l'endroit où la gorge s'évasait en berges escarpées. Leurs cris de rage et leurs menaces contre le « singe-grimpeur » qui les avait conduits à la honte se mêlaient aux hurlements et aux grondements de ceux que le Petit Peuple avait punis. Rester sur la rive, c'était la mort : pas un dhole ne l'ignorait. Le Clan fut balayé par le courant, de plus en plus bas, jusqu'aux rochers qui s'élevaient dans l'Étang de la Paix; mais, là aussi, le Petit Peuple en colère suivit les dholes et les força de se remettre à l'eau. Mowgli pouvait entendre la voix du chef sans queue exhortant ses compagnons à tenir bon jusqu'à ce qu'il ne restât plus un loup dans Seeonee. Mais il ne perdit pas de temps à écouter.

Mowgli avait plongé de l'avant comme une loutre, saisi brusquement par en dessous, avant qu'il pût ouvrir la gueule, un dhole qui se débattait, et des cercles huileux et noirâtres s'élargissaient à la surface de l'étang; puis le corps émergea avec un plouf, en se tournant sur le côté. Les dholes essayèrent de retourner, mais la force du courant les emportait, et le Petit Peuple criblait leurs têtes et leurs oreilles, tandis qu'en avant ils pouvaient entendre le défi du Clan de Seeonee s'élever, plus haut et plus menaçant toujours, dans l'ombre compacte où ils s'enfonçaient. Mowgli plongea de nouveau, de nouveau un dhole disparut pour reparaître mort, et une nouvelle clameur monta de l'arrière-garde, les uns hurlant qu'il valait mieux gagner la rive, les autres sommant leur chef de les ramener au Dekkan, et d'autres enfin criant à Mowgli de se montrer, pour qu'on le tuât.

* * * * * *

Un loup s'en vint courant sur trois pattes le long de la berge, tantôt sautant de haut en bas, tantôt rampant sur le flanc, ou bien arquant le dos, puis battant un entrechat à deux pieds en l'air, comme s'il était en train de jouer avec ses petits. C'était Won-tolla, l'Étranger, et il continuait, sans un mot, son horrible jeu tout le long des dholes. Il y avait longtemps qu'ils étaient dans l'eau, et ils nageaient laborieusement, avec le poids de leurs fourrures trempées, leurs queues touffues traînant derrière eux, pareilles à des éponges, si las et si rompus qu'ils se taisaient aussi, maintenant, les yeux sur la paire d'yeux qui flambaient de front avec eux.

Les aboiements des loups de Seeonee se rapprochaient de plus en plus.

Alors, ils s'aperçurent de leur faute. Ils auraient dû aborder un demi-mille plus haut, et charger les loups en terrain sec. Maintenant il était trop tard. Une ligne d'yeux de braise bordait la rive, et, sauf l'horrible cri du Pheeal qui ne s'était pas arrêté depuis le coucher du soleil, on n'entendait aucun bruit dans la Jungle. On eût dit que Won-tolla leur faisait des grâces pour les attirer vers la berge. Soudain :

Le Clan tout entier s'élança vers la rive, barbotant et clapotant dans l'eau basse; la surface de la Waingunga blanchit, fouettée d'écume, et de grandes rides s'en allèrent de bord à bord onduler comme les vagues sous l'étrave d'un bateau. Mowgli suivit la charge, pointant et tranchant dans la masse des dholes dont l'élan escaladait la grève comme un flot. Alors commença la longue bataille. Ondulant, peinant, rompue, dispersée, mêlée ou par groupes, elle roulait à travers les sables rouges du rivage détrempé, les racines enchevêtrées des arbres, l'intervalle et l'épaisseur des buissons, et les mottes gazonnées; car, même à présent, les dholes étaient deux contre un. Mais ils avaient devant eux des loups unis pour défendre tout ce qui faisait la force du Clan, non seulement les chasseurs à solide carrure, à long souffle et à crocs blancs, mais les lahinis aux yeux sauvages — les louves des repaires, comme on dit — luttant pour leurs portées, avec, par-ci par-là, quelque louveteau de l'année, son premier poil tout laineux encore, halant et crochant à leurs côtés. Un loup, vous devez le savoir, saute à la gorge ou happe au flanc, tandis qu'un dhole mord bas de préférence; aussi les dholes, obligés de relever la tête en grimpant hors de l'eau, donnèrent-ils d'abord l'avantage aux loups; en terrain sec les loups eurent à souffrir; mais sur terre comme dans l'eau le couteau de Mowgli se levait et frappait de même. Les Quatre, accourus à son aide, s'étaient frayé un chemin jusqu'à lui. Frère Gris, tapi entre les genoux du garçon, lui protégeait le ventre, alors que les autres le gardaient par-derrière et sur les côtés, ou le couvraient de leurs corps si le choc d'un dhole hurlant, venu d'un bond s'enferrer sur la lame, venait à les jeter bas. Pour le reste, ce n'était que pêle-mêle et confusion — cohue compacte et moutonnante qui oscillait de droite à gauche et de gauche à droite, le long de la berge, et tournait également avec lenteur, d'un mouvement de meule, autour de son propre centre. Ici s'élevait un tertre mouvant de corps, qui s'enflait comme une bulle dans l'eau d'un tourbillon, puis éclatait comme elle, en rejetant quatre ou cinq chiens mutilés, dont chacun s'efforçait de regagner le centre; là un loup isolé, étouffé sous deux ou trois dholes, les traînait avec lui, cédant à mesure sous leur poids; ailleurs un louveteau de l'année surnageait, soulevé par la pression environnante, quoiqu'il eût été tué au début du combat, tandis que sa mère, folle de rage muette, fonçait de l'avant, mordant tout au passage; au plus épais de la mêlée il arrivait qu'un loup et un dhole, oubliant tout le reste, dans leurs manoeuvres à qui planterait ses crocs le premier, se trouvaient soudain balayés par un flot hurlant de combattants. Une fois Mowgli croisa Akela, un dhole à chaque flanc, et ses mâchoires, aux trois quarts édentées, refermées sur les reins d'un troisième; une autre fois il vit Phao, les crocs plantés dans la gorge d'un dhole, remorquant la bête rétive jusqu'aux louveteaux qui l'achèveraient. Mais le gros du combat n'était que mêlée aveugle, étouffement dans les ténèbres, chaos de coups, de pieds trébuchants, de culbutes, de glapissements, de plaintes et de Pille! Pille! Pille! autour de Mowgli, derrière lui et au-dessus.

À mesure que la nuit avançait, le mouvement de rotation augmentait de vitesse. Les dholes fatigués craignaient d'attaquer les loups plus vigoureux, bien qu'ils n'osassent pas encore abandonner le terrain; mais Mowgli sentait que la lutte touchait à sa fin, et il se contentait de mettre hors de combat. Les louveteaux commençaient à s'enhardir; on avait le temps de respirer; et maintenant le simple éclair du couteau suffisait quelquefois à écarter un dhole.

Le sang lui sortait par vingt blessures.

La lame courut comme une flamme le long des flancs d'un dhole dont l'arrière-train disparaissait sous le poids d'un loup cramponné.

Won-tolla expiait cruellement sa victoire, mais son étreinte avait paralysé le dhole, qui ne pouvait se retourner pour l'atteindre.

Et c'était en effet le gros chef à poil bai.

Un dhole bondit au secours de son chef, mais, avant que ses crocs eussent touché le flanc de Won-tolla, le couteau de Mowgli se fichait dans sa gorge, et Frère Gris se chargeait du reste.

Won-tolla ne dit pas un mot, mais ses mâchoires se rejoignaient peu à peu sur l'échine à mesure que la vie s'en allait. Le dhole tressaillit, sa tête retomba, il ne bougea plus, et Won-tolla s'affaissa sur lui.

Les dholes s'esquivaient l'un après l'autre, abandonnant les sables noirs de sang, pour la rivière, la Jungle épaisse, en amont ou en aval, selon qu'ils voyaient la route libre.

Il volait vers la rivière, le couteau à la main, prêt à clouer sur place tout dhole qui eût osé prendre l'eau, quand, d'un monceau de neuf cadavres, se dressa la tête d'Akela, puis son poitrail. Mowgli tomba sur les genoux à côté du Solitaire.

Mowgli prit sur ses genoux la terrible tête balafrée, et jeta ses bras autour du cou déchiré.

Avec un soin et une douceur infinis Mowgli mit Akela sur ses pattes, les bras noués autour de lui, et le Solitaire aspira une longue gorgée d'air et commença le Chant de Mort qu'un Chef de Clan doit chanter lorsqu'il va mourir. La voix prit peu à peu de la force, s'éleva graduellement, retentissant au loin par-dessus la rivière, jusqu'au dernier « Bonne Chasse! »

Alors Akela se dégagea de Mowgli un instant, fit un bond et retomba en arrière, mort, sur sa dernière et plus redoutable proie.

Mowgli s'assit, la tête sur les genoux, sans faire attention à rien, tandis que les derniers dholes, rejoints par les impitoyables lahinis, succombaient sous leurs coups. Petit à petit les cris s'éteignirent, et les loups revinrent en boitant, tout raides de leurs plaies durcies, pour compter les morts.

Quinze loups du Clan et une demi-douzaine de lahinis gisaient le long de la rivière. Des autres, pas un qui n'eût été touché. Mowgli ne bougea pas jusqu'au petit jour; alors, le museau humide et rouge de Phao se posa sur sa main, et Mowgli recula en démasquant le corps décharné d'Akela.

Et s'adressant aux autres par-dessus son épaule en lambeaux :

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Mais du Clan tout entier de deux cents dholes combattants, Chiens Rouges du Dekkan, qui se vantent que nul être vivant dans la Jungle n'ose tenir devant eux, pas un ne retourna au Dekkan porter la nouvelle.

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LA CHANSON DU CHIL

Ceci est la chanson que Chil chanta comme les vautours se laissaient tomber l'un après l'autre au bord de la rivière, quand eut pris fin le grand combat. Chil est l'ami de tout le monde mais, au fond du coeur, son sang est de glace, parce qu'il sait que presque tous les hôtes de la Jungle viennent à lui en fin de compte.

Ceux-là furent mes amis dans les nuits de leur jeunesse

(Chil! Garde à vous! Chil!)

Lors mon sifflet vient sonner le terme de leur promesse.

(Chil! Hérauts de Chil!)

D'en bas ils me signalaient les gibiers frais abattus,
Je guettais pour eux d'en haut daims en plaine — sûrs affûts,
C'est la fin de toute piste, ils ne m'appelleront plus.

Ceux qui menaient le pied chaud — ceux qui hurlaient à l'ouvrage —

(Chil! Garde à vous! Chil!)

Ceux qui, virant aux abois, clouaient la bête au passage

(Chil! Hérauts de Chil!)

Ceux qui précédaient le vent ou suivaient, lestes, recrus...
Ceux qui forçaient l'Andouiller — ceux qui sautaient par-dessus,
C'est la fin de toute piste, ils n'en éventeront plus.

Ceux-là furent mes amis. Ils sont morts, c'est grand dommage.

(Chil! Garde à vous! Chil!)

Je viens les consoler qui les connus dans leur courage.

(Chil! Hérauts de Chil!)

Gueule béante qui saigne, oeil sombré, flancs décousus,
Délaissés, mêlés et las, les vainqueurs sur les vaincus.
C'est la fin de toute piste — et les miens seront repus!

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  1. Cuon Alpinus. Chien sauvage d'Asie (Inde, Malaisie, Sumatra).  haut.gif

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Mis à jour / révisé le 23-02-2009
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