Scoutisme de Baden-Powell |
(Suite - 3/4)
5. Ne pas se laisser manoeuvrer
Bien souvent, l'assaillant esquisse de fausses manoeuvres qui n'ont pour but que d'effriter la résistance. Il ne faut pas « tomber dans le panneau », mais conserver le dispositif de défense adopté.6. Établir une tactiques de défense
C'est cette tactique qui va permettre à la patrouille de reprendre l'avantage. Il faut que chacun la suive scrupuleusement et ne s'en laisse pas détourner, quelles que soient les tentatives de l'assaillant pour attirer l'attention des défenseurs sur un point, dans l'espoir de les faire se découvrir sur un autre.
1. Cas d'un poste
La patrouille a établi un poste qu'elle a pour mission de défendre. Des guetteurs sont placés à l'extérieur; ils se replient dès que l'ennemi est en vue et qu'ils ont donné l'alarme. À l'intérieur du poste, chacun a une place assignée et un rôle défini. Les plus forts constituent les troupes de choc qui agissent en cas de percée. Les autres ont la surveillance d'un certain secteur.
Toute éventualité doit être prévue ainsi que la parade correspondante.
Si, par exemple, l'enjeu de la partie est un fanion placé dans le poste et qu'un des ennemis a réussi à s'en emparer pour le rapporter dans son camp, chacun doit savoir ce qu'il a à faire. Ainsi :
Jean, qui court bien, doit poursuivre celui qui s'est emparé du fanion et le plaquer aux jambes.
Paul doit le devancer et aller se poster devant le camp ennemi pour l'arrêter dans le cas où la manoeuvre de Jean aurait échoué.
Jacques et Luc doivent sauter sur l'adversaire lorsqu'il est à terre et lui reprendre le fanion.
Michel doit rapporter le fanion au camp, etc.
2. Cas d'un passage
Les circonstances du jeu peuvent amener la patrouille à défendre un point précis d'un itinéraire et à en interdire le passage à l'adversaire.
Il s'agit tout d'abord de choisir ce qu'on appelle un POINT DE PASSAGE OBLIGÉ, c'est-à-dire un endroit par lequel l'adversaire doit obligatoirement passer pour suivre son itinéraire (pont sur une rivière, défilé encaissé, etc.) et de voir si le terrain n'offre à l'ennemi aucun autre moyen de passer outre (par exemple en faisant un débordement).
La meilleure tactique est de concentrer toutes les forces sur le passage pour que l'ennemi ne puisse enfoncer la résistance. La barrière formée par les défenseurs doit avoir la forme d'un « V », ouvert dans la direction de l'ennemi. Il faut chercher à attirer celui-ci dans ce « V » où il sera alors amené à se défendre devant lui et sur les côtés.
Les défenseurs doivent être serrés les uns contre les autres de façon à ne se présenter que de face à l'assaillant et à bien protéger leurs foulards.
1. Cas d'une ligne
La défense d'une ligne est assez difficile à réaliser, surtout si celle-ci s'étend sur une assez longue distance. Il est en effet presque impossible de parer à une attaque massive en un point de la ligne, étant donné que les défenseurs sont échelonnés sur toute la ligne. La tactique est donc d'empêcher cette attaque « en bloc ».
Pour cela, la défense doit être établie en profondeur sur deux échelons. La patrouille se divise en deux groupes :
Si malgré l'action des corsaires l'attaquant reste groupé et continue à progresser vers la ligne, ceux-ci se replient devant lui et sont ainsi toujours prêts à lui offrir une résistance sur le point de la ligne où il tentera de passer.
2. Cas d'un itinéraire
Si la patrouille est chargé de défendre tout un itinéraire, elle agira d'une façon presque identique mais réservera au contraire le gros des forces pour la défense d'un point précis de l'itinéraire (point qui sera choisi suivant les ressources du terrain et en raison de ses avantages). Les éclaireurs qui tiendront le rôle des corsaires n'agiront plus en groupe, mais individuellement. Leur but sera de harceler l'assaillant tout le long de l'itinéraire au moyen de nombreuses embuscades rapides. Ils devront éviter d'engager un combat rangé dans lequel leur faible force ne pourrait que les conduire à perdre des vies inutilement.
Il peut arriver, à un moment quelconque du jeu, que la patrouille, par manoeuvre ou par nécessité, soit amenée à se replier. Pour que ce repli s'effectue dans les meilleures conditions, il y a quelques règles à suivre.
Dans le cas d'une retraite forcée, il faut chercher avant tout à limiter les pertes. Un bon moyen consiste à donner le signal du repli avant que la situation ne soit complètement désespérée.
Au cours du repli :
C'est à chaque instant, au cours des grands jeux, qu'une patrouille trouve la nécessité de maintenir la liaison entre ses différents membres, soit que ce CP ait à transmettre des ordres à ses éclaireurs dispersés, soit que ceux-ci aient à le renseigner sur le résultat des missions accomplies par eux, soit enfin que des garçons, entre eux, aient mutuellement à se tenir au courant de l'évolution du jeu.
Or, il est curieux de constater combien ce point, si important cependant, est négligé par presque toutes les patrouilles. De là vient, très certainement, la faiblesse tactique des grands jeux. Ceux-ci entraînant toujours des déplacements, parfois assez importants, se réalisant sur une certaine étendue, il est facile de comprendre que des éclaireurs qui, par manque de liaison, sont incapables de maintenir entre eux le moindre contact, n'ont aucune chance de manoeuvrer correctement.
Et c'est pourquoi...
SANS UN SYSTÈME DE LIAISONS
PARFAITEMENT ÉTABLI,
IL N'EXISTE PAS DE TACTIQUE.
Elles sont réalisées de trois manières :
Selon les circonstances du jeu, on adopte la manière qui est à la fois la plus pratique et la plus rapide.
Pour ne pas renseigner l'ennemi sur ses intentions, la patrouille doit toujours chercher à garder secret le sens des ordres transmis. Il est nécessaire qu'elle ait donc un code donnant un sens particulier à certains signaux, code dont les conventions très simples écartent les risques d'erreur dans l'interprétation.
Tous ces signaux et conventions de manoeuvre demandent à être parfaitement définis avant le jeu.
Ce n'est pas une fois lancé dans l'aventure que le CP doit expliquer à sa patrouille :
Et caetera...
Des conventions mises au point à la dernière minute n'ont aucune chance d'être efficaces : d'abord parce que les éclaireurs ne s'en souviendront plus quand ils seront emportés par l'ardeur du jeu, ensuite et surtout parce qu'ils ne seront pas entraînés et qu'ils n'auront pas acquis les réflexes nécessaires.
Pour que les liaisons jouent parfaitement, il faut que les conventions soient fixées assez longtemps à l'avance.
Dans tous les cas, la patrouille a toujours intérêt à s'exercer de temps en temps afin de voir si les éclaireurs obéissent comme il faut aux signaux conventionnels et afin de juger du bon fonctionnement de son système de liaisons.
Le manque d'entraînement risquerait, en effet, de rendre inefficaces les meilleures idées et les procédés les plus ingénieux.
C'est sur des liaisons bien organisées que repose toute tactiques de patrouille. Si le CP n'a aucun moyen de conserver le contact avec ses éclaireurs au cours d'une manoeuvre, on peut affirmer, sans grandes chances de se tromper, que la manoeuvre va échouer.
Par pitié! Qu'on en finisse une fois pour toutes avec l'usage abusif et ridicule des coups de corne, des coups de sifflet lancés à tout propos et dans tous les coins, des appels braillés à pleine gorge, des cris jetés sur tous les tons!
Un grand jeu scout n'est pas (selon le terme traditionnel de vénerie) une chasse à courre, à cors et à cris!
Les cris et les coups de corne sont peut-être capables d'effrayer cerfs ou chevreuils, mais ils n'ont certainement pas la même influence sur le moral des patrouilles adverses. La plupart du temps, ils ne riment à rien (car ils sont utilisés sans discernement), quand ils n'ont pas pour principal effet de nuire à ceux qui les emploient (en signalant leur présence, leur nombre et leur état à l'ennemi).
Il est évident que lorsqu'un garçon lance des coups de sifflet en criant : « À moi, les gars!... Je suis tout seul! », le premier résultat est d'attirer sur lui l'adversaire, trop heureux de savoir qu'il y a, dans les parages, une proie facile.
Il y a toujours lieu, d'ailleurs, de restreindre l'emploi des liaisons au son (LE SILENCE est la règle de tout grand jeu); si on utilise ce procédé, qu'on ne le fasse qu'avec circonspection et dans des conditions bien particulières.
N'exécuter « au son » que les liaisons rapprochées (lorsque les garçons de la patrouille sont disséminés sur 100 ou 200 m) et dans les cas suivants :
- Pour donner sa position
Supposons que, pour une marche d'approche sous bois, les éclaireurs soient disposés « en tirailleurs » et ne puissent se voir l'un l'autre. Le CP a intérêt à connaître la position de chacun s'il veut donner ses ordres en conséquence. Pour cela, il peut être convenu qu'à intervalles réguliers, les garçons lanceront un petit appel discret pour donner leur position. Ou bien, le CP peut fixer, avant le départ, un objectif à atteindre (par exemple, une route forestière qui se trouve à 300 m en avant), en demandant à chaque garçon d'annoncer, en lançant l'appel convenu, qu'il a atteint cet objectif.
- Pour se reconnaître.
Après une bataille, la patrouille s'est trouvée dispersée et elle veut se regrouper. Chaque éclaireur lance le cri convenu, les autres lui répondent et cherchent à le rejoindre.
De même, si des éléments de la patrouille progressent seuls et entendent marcher non loin d'eux, en lançant le cri, ils savent (si on leur répond) qu'ils ont à faire à des amis.
Cet appel est, en quelque sorte, l'INDICATIF de la patrouille. Il convient d'utiliser pour cela des bruits simples, ressemblant de près aux bruits de la nature. Ils peuvent ainsi donner le change à l'adversaire tout en demeurant suffisamment nets à l'oreille de ceux qui les ont convenus à l'avance.
Ce peut être :
Il ne faut employer cet indicatif que lorsque la nécessité s'en fait véritablement sentir. L'utiliser fréquemment et hors de propos finirait, à la longue, par donner l'éveil à l'adversaire.
L'indicatif de patrouille est un signal insuffisant pour transmettre des ordres précis. Il y a lieu de le compléter par des conventions correspondant aux ordres les plus couramment utilisés.
Par exemple :
Etc.
On peut varier et augmenter encore cette liste avec d'autres appels ou d'autres bruits ayant chacun une signification précise et toujours imités des bruits de la nature.
Les liaisons au son peuvent rendre de grands services mais il est cependant préférable de ne pas trop les employer à proximité de l'ennemi. Il suffit d'un appel mal lancé pour qu'il reconnaisse un son humain et soit alerté.
Ce sont celles qu'on a le plus souvent l'occasion d'utiliser.
Pour les liaisons lointaines ou à grandes distances, le morse à bras ou mieux, le sémaphore restent les procédés les plus pratiques.
Pour les liaisons sur de petites distances (cas d'une marche d'approche où les garçons sont à quelques mètres les uns des autres), il est bon de donner des commandements au geste.
À titre d'exemple, la patrouille peut prévoir des signaux pour les ordres usuels tels que :
Etc.
Tous ces gestes qui sont faits hors de la vue de l'ennemi, avant la prise de contact, n'ont pas à être secrets. Il n'en est pas de même, par contre, de certains signes qui sont appelés à rendre de grands services au contact de l'ennemi et même en pleine bagarre.
Ce sont des signes conventionnels, au service de la tactiques de la patrouille qui ne doivent pas être remarqués. Ils ont pour but de renseigner les garçons sur le déroulement du jeu, sur les intentions du CP, de les prévenir d'une manoeuvre à exécuter, etc. Ils évitent d'avoir à crier des ordres qui, la plupart du temps, servent plus à l'adversaire qu'à ceux auxquels ils sont destinés et sont souvent une cause de désordre.
Ainsi :
Etc.
Ta patrouille peut prévoir bien d'autres petits signes pour diverses circonstances du jeu : le trésor a été emporté vers le camp, attirez l'ennemi plus loin, regroupez-vous autour de moi pour une attaque en force...
N'oublie pas que ces signes doivent être faits discrètement pour que l'ennemi ne se doute même pas qu'il s'agit d'un signal. En effet, même s'il n'en comprend pas le sens, le simple fait de deviner, en te les voyant faire, que quelque chose se prépare, suffit à l'alerter. Il lui est alors aisé de découvrir la manoeuvre de ta patrouille et de la contrecarrer. Tandis que s'il ne suspecte rien du tout, il ne peut s'apercevoir de la manoeuvre que lorsque celle-ci est en cours d'exécution, c'est-à-dire trop tard pour y parer.
Dans le cas des messages cachés (à utiliser plus spécialement dans les liaisons avec des patrouilles alliées ou pour communiquer des ordres qui ne sont pas urgents), il suffit de s'entendre sur un emplacement où sera déposé le message et sur l'heure à laquelle on pourra venir le chercher. Ces messages seront rédigés en clair ou en code secret selon qu'il est ou non à craindre de les voir tomber entre les mains de l'adversaire.
Dans le cas des messages portés (par l'agent de liaison) on doit toujours prévoir que le porteur peut être pris par l'ennemi.
Pratiquement, lorsque des éclaireurs fouillent un garçon qu'ils supposent être porteur d'un message, ils le font très mal et surtout sans méthode. Ils s'attachent essentiellement à palper les vêtements pour voir si l'étoffe ne recèle aucun papier.
Pour parer à cela, l'agent de liaison peut donc :
À vous, Messieurs les agents de liaison, de faire préparer à l'avance, par votre grande soeur, dans votre chemisette ou votre culotte de jeu une ou deux cachettes pour les messages que vous aurez à transmettre!
De préférence aux messages écrits, il vaut toujours mieux, d'ailleurs, avoir recours aux messages transmis oralement. On est ainsi assuré que le message ne tombera pas entre les mains de l'adversaire, même si le porteur est pris.
Tout ce qui précède a suffisamment mis en valeur le rôle de l'agent de liaison pour qu'il soit utile d'insister sur son importance. Dis-toi que, bien souvent, c'est sur ses épaules que pèse la responsabilité d'une manoeuvre.
Un bon agent de liaison ne s'improvise pas car il doit faire preuve de certaines capacités qui ne s'acquièrent pas du jour au lendemain et dont les principales sont :
Le véritable agent de liaison doit profiter de toutes les occasions qui lui sont offertes de s'exercer en vue de sa mission.
Ce qu'il peut faire pour cela :
S'entraîner à apprécier des distances, des durées, à évaluer des quantités (nombre de personnes rassemblées dans un compartiment de train, nombre de wagons, etc.)
S'entraîner à retenir par coeur des textes courts, puis de plus en plus longs (en apprenant, par exemple, une phrase avant de partir à l'école et en essayant de la répéter le soir après avoir pensé à toute autre chose dans la journée).
S'entraîner à retenir de mémoire des choses vues ou entendues et essayer ensuite de les raconter en éliminant les détails pour ne conserver que l'essentiel.
S'entraîner physiquement : course, au pas de gymnastique, endurance à la marche, saut, souplesse, agilité.
S'entraîner à l'observation (la vie de tous les jours en donne une foule d'occasions).
Ce n'est que par une véritable formation qu'un éclaireur devient apte à faire un bon agent de liaison, c'est-à-dire un garçon efficace et sur qui l'on peut compter.
Le meilleur moyen de respecter ces conditions est de penser, lorsqu'on rédige un ordre, à répondre aux trois questions bien connues :
Le garçon qui est amené à donner un ordre doit réfléchir, à plus forte raison s'il donne cet ordre verbalement. En général, lorsqu'on écrit l'ordre, cela laisse un certain temps de réflexion qui permet de ne rien oublier, alors que lorsqu'on se contente de le dire, on a toujours tendance à ne pas s'accorder ce temps de réflexion, pourtant bien utile.
Et cependant l'ordre est le premier outil de liaison.
Il en est de même des comptes rendus qui doivent présenter des qualités identiques. Il faut veiller en plus à ce qu'ils soient brefs et concis :
Il s'agissait de défendre le camp que les Hirondelles devaient venir attaquer.
Les Loups s'étaient installés sur une petite éminence boisée et broussailleuse. L'épaisseur des feuillages permettait à la patrouille de se camoufler merveilleusement et nul doute, qu'une fois que chacun aurait occupé son poste, que le silence serait retombé sur le taillis, il deviendrait difficile aux Hirondelles de deviner la présence des Loups.
Christian s'éloigna de quelques pas pour remplir son rôle de guetteur car il ne s'agissait malgré tout pas de se laisser surprendre.
Il s'aventura jusqu'au début de la pente et choisit un buisson de genêts pour se poster. De là, il lui était possible de voir sans être vu. Il s'assura que cet emplacement lui permettrait de bien remplir sa mission. Son regard embrassait facilement toute la portion du terrain qu'il avait à surveiller.
Comme il s'était placé juste sur la crête du mouvement de terrain, celle-ci ne lui masquait pas le bas de la pente. Aucun risque donc que l'ennemi ne vienne jusque-là sans qu'il l'aperçoive. De plus, au bas de la pente, il y avait une bande de terrain plat et découvert que les Hirondelles devraient obligatoirement traverser pour arriver à la colline.
Étant certain qu'il pouvait guetter dans de bonnes conditions, Christian voulut encore s'assurer que le buisson le camouflait suffisamment. Pour cela, il plaça sur un bâton, derrière les feuillages, son blouson et son chapeau, à l'endroit exact où il se posterait tout à l'heure. Il descendit alors au bas de la pente et remonta en observant le buisson. Ce fut tout juste s'il put distinguer, entre les tiges des genêts, des taches de couleur kaki, faites par son blouson.
Revenu à son poste, il étudia alors le terrain afin de voir par quel chemin, au moment où l'ennemi arriverait, il pourrait se replier sur son camp. Il n'y avait que 20 m à faire, encore fallait-il qu'il put parcourir cette distance sans se faire voir ni attirer l'attention des Hirondelles.
Il trouva sans peine l'itinéraire le meilleur : il lui suffirait de ramper dans l'herbe à l'abri d'une grosse touffe de ronces.
Alors, Christian héla son CP.
Il se coucha sur le sol.
Tout étant réglé, le silence tomba subitement sur le bois. Rassurés, les oiseaux revinrent piailler autour de la patrouille invisible.
À son poste, Christian commença tout d'abord par étudier le terrain confié à sa surveillance.
Il savait que les Hirondelles devaient arriver dans un certain secteur qu'il délimita lui-même : à gauche, jusqu'à la petite maison au toit d'ardoise; à droite, jusqu'au bouquet de sapins qui dominait le pré. Ayant repéré les limites de cette zone de guet, Christian chercha à reconnaître les endroits névralgiques, c'est-à-dire ceux qui pouvaient offrir aux Hirondelles des facilités pour approcher sans se faire voir. Il y avait une haie vive qui coupait en deux la prairie et une sorte de fossé bordant la lisière d'un bosquet de chênes.
Christian se promit de concentrer, sur ces deux points son observation. Un petit talus et le carrefour de deux sentiers retinrent aussi son attention.
Dès qu'il eut bien son terrain dans l'oeil, il commença à observer méthodiquement. Son regard parcourut lentement le paysage de la gauche vers la droite, et ensuite, du plus loin au plus près. De cette façon, il était certain de regarder partout. Il savait très bien que son observation devait être SOUTENUE s'il voulait déceler les petits détails révélateurs (buissons qui s'agitent, herbes remuées, etc.) et CONSTANTE car il eût suffi d'un instant de relâchement ou d'inattention pour que l'ennemi passât, d'un bond, un espace découvert.
Cependant, le temps passa et les Hirondelles ne donnaient pas signe de vie. Près d'une heure s'était écoulée sans que rien n'eût laissé soupçonner la présence de la patrouille adverse;
Christian n'avait rien vu.
Le CP des Loups se glissa jusqu'à lui.
Tu m'excuseras d'interrompre ici mon récit, mais la suite est sans importance pour ce dont je veux parler maintenant.
Libre à toi d'imaginer la fin de l'histoire comme tu l'entendras!
Ce que je voulais, c'est te montrer que dans les jeux, la fonction de guetteur est tout au moins aussi importante que celle d'agent de liaison ou d'orienteur. Elle exige des garçons ayant des qualités d'observateur, possédant la technique de l'observation et étant, en quelque sorte, des spécialistes.
Une patrouille qui ne possède pas 1 ou 2 bons guetteurs ne peut, à mon avis, se prétendre parée pour les grands jeux.
Dans l'histoire que je viens de te raconter, j'ai rassemblé l'essentiel de la technique du guet. Il me reste à faire une remarque qui mérite toute ton attention :
Rien ne sert d'avoir fait une observation intéressante si le guetteur ne transmet pas rapidement le renseignement à son CP car c'est en fonction de ce renseignement que ce dernier va, souvent, décider de la tactique à adopter. Cela signifie que celui qui ne sait pas parfaitement rendre compte n'est pas un bon guetteur.
Ceci dit, il faut envisager quelques particularités de la fonction du guetteur, dont la première est...
Guetter la nuit est un art difficile qui exige de l'observateur attention et maîtrise de soi.
Dans la nuit, c'est essentiellement par l'oreille qu'on guette. Lorsque la nature est endormie et silencieuse, les bruits prennent toute leur signification. Il importe de savoir les identifier et de freiner les fantaisies de son imagination.
Tout bruit entendu doit être rapidement :
On ne peut parvenir à ce résultat qu'après une certaine expérience de la nuit et une connaissance assez complète de la nature : il ne s'agit pas de donner l'alarme à son camp parce qu'un écureuil en vadrouille est en train de grignoter une pomme de pin non loin de là.
L'écoute doit être complétée par une observation attentive. Dès qu'un bruit suspect est décelé, le guetteur tend son regard vers l'endroit présumé. Il s'attache aux détails, se concentre sur un point précis : buisson qui semble bouger, ombre qui paraît se déplacer, etc.
Se méfier terriblement de soi-même. Chercher à se convaincre LOGIQUEMENT de la véracité d'une observation et ne pas oublier que dans le décor confus et vaguement mystérieux de la nuit, l'imagination travaille vite et qu'on a plus ou moins tendance À VOIR CE QU'ON DÉSIRE VOIR.
Guet derrière un rocher
Ne jamais observer PAR DESSUS le rocher, mais par le côté et le visage au ras du sol. Rester immobile tout le temps de l'observation afin que, de loin, la silhouette de la tête se confonde avec celle du rocher.
Guet du haut d'une crête
Aborder la crête en rampant. Chercher, pour observer, un abri si le terrain le permet, sinon, avancer doucement en tenant devant soi une touffe d'herbe.
Guet derrière une fenêtre
Ne pas coller le nez à la vitre, surtout si le soleil donne sur la fenêtre. Se placer dans un coin, légèrement en retrait.Guet du haut d'un mur
Chercher, pour se poster, une échancrure ou un trou (chose possible s'il s'agit d'un vieux mur). S'il n'y en a pas, ne laisser apparaître que le haut de la tête, les yeux au ras du mur, les cheveux enveloppés dans un foulard dont la couleur se rapproche le plus possible de celle de la pierre. Éviter de remuer la tête.
Guet dans un arbre
Choisir un arbre au feuillage épais et touffu. Demeurer contre le tronc pour ne pas faire remuer les branches. Éviter de se faire repérer en montant ou en descendant de l'observatoire : pour cela, faire l'ascension du côté du tronc qui est opposé à la vue de l'ennemi.
Guet du haut d'une falaise ou d'un pic
Ne pas se détacher sur le ciel, approcher en rampant jusqu'au bord. S'il faut observer le pied de la falaise, ne faire dépasser que la tête, lentement (gare aux chutes!) en se camouflant avec herbes, branchages, etc.
Il est nécessaire qu'un guetteur sache estimer les distances sans trop d'erreur, quand ce ne serait que pour donner à son CP des renseignements précis sur les mouvements de l'adversaire.
Voici quelques remarques qu'il est toujours bon d'avoir présentes à la mémoire.
On a tendance à SURESTIMER les distances :
On a tendance à SOUS-ESTIMER les distances :
Mis à jour / révisé le 20-02-2009
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