Scoutisme de Baden-Powell |
(Suite - 2/4)
« ALERTE — CONTREBANDIERS ONT FRANCHI FRONTIÈRE ENVIRONS LUPINIAC — PRENEZ TRAIN 23H07 — TROUVEREZ DIRECTIVES SUR PLACE. »
C'est un samedi soir; il est 22 heures.
Ce message vient d'être remis au CP des Castors sous forme d'un télégramme. Comme il y a une sortie de troupe prévue pour le lendemain, il s'agit sans aucun doute d'un grand jeu qui commence dès maintenant.
Le CP des Castors se gratte la tête en relisant son télégramme.
Vraiment, le Chef a de curieuses façons de faire!... En voilà une idée de surprendre les gens à une heure pareille et de les lancer à l'improviste dans une semblable aventure!
Qu'importe : l'ordre est là, il s'agit de l'exécuter.
Les minutes passent et le CP des Castors est toujours perplexe. Comment diable avertir tout le monde... Et le train part dans une heure!
Tout le problème est là.
Voyons donc comment procéderaient les Castors si leur patrouille était bien organisée, pour « se regrouper » rapidement (et j'entends par « se regrouper » non seulement le fait de rassembler tous les garçons mais encore de disposer de tout le matériel et d'avoir établi un plan d'action).
C'est le CP qui va déclencher le réseau d'alerte, puisqu'il vient d'être prévenu en premier.
Il avertit immédiatement :
Cet éclaireur, par le fait même que, dans tous les cas, il est le premier à recevoir les directives du CP, remplit les fonctions d'AGENT DE LIAISON. C'est donc par son intermédiaire que va fonctionner le réseau d'alerte.
Ce n'est pas tout de réveiller les gens en sursaut au milieu de la nuit et de leur dire : « Allez! Grouille-toi! Il y a rassemblement dans 20 minutes à la gare. » Le CP doit s'assurer que chacun a bien compris ce qu'il doit faire et ce qu'on attend de lui.
Pour cette raison, de préférence à un message transmis oralement, l'agent de liaison est porteur d'un ordre écrit que le CP lui a dicté au téléphone en ayant soin de se faire relire le texte pour éviter les erreurs de transmission.
Ce message écrit peut se présenter sous la forme d'un ORDRE D'ALERTE, préparé à l'avance (il peut être dactylographié), sur lequel le CP n'a plus qu'à écrire les détails nécessaires. Cela peut éviter d'oublier, dans sa précipitation, de préciser un point important.
Chaque garçon signe l'ordre d'alerte apporté par l'agent de liaison, après l'avoir lu et compris.
Sitôt son agent de liaison averti, le CP prépare ses affaires et commence à réfléchir aux dispositions qu'il convient de prendre.
L'agent de liaison qui possède les moyens pour se déplacer rapidement (bicyclette), est chargé d'alerter à tour de rôle tous les garçons de la patrouille. Il exécute cette mission en suivant un certain ordre (fonction des différents endroits où demeurent les éclaireurs), correspondant à l'itinéraire reconnu comme le plus court.
Pour que les explications qui suivent soient facilement compréhensibles, je donne à chaque éclaireur un numéro correspondant à la place qu'il occupe dans le réseau d'alerte : ainsi le CP aura le no 1, l'agent de liaison le no 2, etc.
Nous venons de voir ce que faisaient ces deux premiers garçons, passons donc tout de suite au numéro 3.
L'éclaireur no 3, du fait qu'il est prévenu dans les premiers et qu'il a devant lui un peu plus de temps que les autres, est responsable du transport de la patrouille. Sitôt prêt, il se rend à la gare, se renseigne sur la distance à parcourir, les horaires des trains pour le retour, les moyens de transport existant sur place, le prix du voyage, etc. Il se charge de prendre les billets et de faire enregistrer les bagages (s'il faut emporter du matériel) dès que ceux-ci sont arrivés au lieu du rassemblement.
L'éclaireur no 4 est responsable du matériel. Cette charge lui a été confiée pour une raison bien simple : c'est lui qui habite le plus prés du Manoir de troupe. Dès qu'il est prévenu et que ses affaires personnelles sont prêtes, il court chercher le matériel nécessaire (qui a été précisé par le CP sur l'ordre d'alerte). Comme en temps normal, cet éclaireur est chargé de l'entretien du matériel de la patrouille, il veille à ce que tout soit, à tous moments, en état et prêt à être utilisé.
L'éclaireur no 5 est orienteur. Il conserve la collection des cartes d'État-major de la patrouille. Il a donc la possibilité de repérer tout de suite les lieux où la patrouille doit se rendre. Il cherche les points d'eau, les endroits de camp et, d'une façon générale, tout ce qui peut être utile à la patrouille dans la mission qu'elle va remplir. Il lit les noms des villages voisins, ceux des bois et des fermes afin de se familiariser déjà avec eux et de connaître leur situation réciproque. Ainsi, il n'aura pas besoin de chercher longtemps si, une fois arrivé sur les lieux, un brave type lui déclare : « Pour aller à la ferme de la Verrière?... Eh ben!... Prenez la route de Valrouvre jusqu'au croisement de la route de Larnot, tournez à gauche, prenez le chemin du hameau de Tilly jusqu'au bois des Fées et là, en passant par Tarvevire, etc. »
L'éclaireur no 6 est intendant. Il possède chez lui, en réserve, quelques boîtes de conserves du stock de la patrouille, permettant de faire un repas froid en cas de besoin. Il les emporte à tout hasard. Il est, de plus, chargé de la pharmacie de la patrouille.
L'éclaireur no 7 est novice, mais il a, lui aussi, sa responsabilité. Il aide celui qui est chargé du matériel et emporte tout ce qu'il faut pour lancer ou recevoir un message (torche électrique, fanions de signalisation, etc.).
Tous ces garçons, dès qu'ils sont alertés, préparent leurs affaires et celles dont ils ont la charge. Dès qu'ils sont prêts, ils se rendent au lieu de rassemblement.
L'agent de liaison, lui, dès qu'il a prévenu tout le monde, revient chez lui faire son sac. Arrivé au rassemblement, il remet l'ordre d'alerte au CP, lui rend compte de l'exécution de sa mission et lui donne tous détails nécessaires (garçons qui ne peuvent pas venir, incidents particuliers, etc.). Pour parer à toute éventualité, il emporte sa bicyclette qui peut rendre de précieux services au cours du jeu.
Voilà comment aurait agi une vraie patrouille si elle s'était trouvée dans la même circonstance que les Castors.
Ne crois pas que tout ce que je t'ai raconté soit le pur produit d'une imagination fertile. J'ai connu une patrouille qui, aux heures douloureuses de la guerre, se tenait prête, par une organisation semblable à celle que je viens de décrire, à répondre à tous les appels lorsqu'on sollicitait ses services.
De l'exemple précédent, on peut d'ailleurs tirer quelques remarques :
C'est par un réseau d'alerte de ce genre que ta patrouille sera capable de répondre « Prêt! » si on a besoin d'elle. Pour arriver à ce résultat, il faut évidemment faire quelques exercices, mais n'est-ce pas là une activité passionnante, bien faite pour aguerrir les timides et réveiller les endormis?
Après chaque exercice, la patrouille note le temps qu'elle a mis pour se rassembler et elle s'efforce de réduire, à chaque fois, ce délai.
Bien entendu, le réseau d'alerte doit fonctionner aussi bien de jour que de nuit.
Tu te plains souvent que les grands jeux qu'on te propose manquent d'intérêt, ne soient pas assez aventureux, qu'il n'y ait pas assez de coups durs... Commence donc d'abord par t'entraîner!
L'aventure, mon cher, ça se prépare.
Peut-être que si ton chef savait ta patrouille capable de se rassembler, au grand complet, en moins d'un quart d'heure, il n'hésiterait pas à la lancer dans une grande aventure.
Tu sais, ces aventures formidables comme on en trouve dans les romans scouts!
Cabri jeta sur moi un regard à la fois amusé et surpris.
Du coup, Cabri haussa les épaules. Je crus lire dans ses yeux une lueur d'ironie et je compris que mon prestige s'effondrait brutalement en raison de mon ignorance : quel était donc ce chef qui prétendait s'y connaître en grands jeux et qui ignorait le « patrouillage »?
Je me sentis un peu vexé.
Je poussai un soupir de soulagement. S'il s'agissait d'une invention des Libellules, mon honneur était sauf. Cependant, comme je savais que cette patrouille était pleine de bonnes idées, ma curiosité fut piquée au vif. Je flairai une découverte intéressante et, me plantant devant le CP, lui déclarai :
Cette perspective me remplit de joie.
Cabri rassembla les Libellules et entraîna sa patrouille à l'écart du camp. En chemin, il m'expliqua :
Cet éloge de Cabri m'alla droit au coeur. Encouragé, sans doute, par l'application que je mettais à suivre ce qu'il me disait, il poursuivit :
Nous étions parvenus en plein bois. Une petite allée s'offrait, sur notre droite. Caribou y courut et fit quelques gestes. Tous ces gestes étaient des signaux convenus et, en moins d'une seconde, dans le plus parfait silence et avec la plus stricte discipline, je vis les Libellules se placer en divers endroits de l'allée. Il y en avait à gauche et à droite; un garçon courut en avant, d'autres entrèrent sous bois; certains, enfin, restèrent près de leur CP sur le bord du chemin.
Je suivis en souriant cette rapide mise en place qui me donnait l'impression d'assister à une répétition générale. J'admirai (soit dit en passant) l'ordre, la rapidité et la méthode avec lesquels les Libellules exécutèrent ce mouvement.
Je m'approchai.
Pour bien me prouver l'excellence de cette tactique, Cabri fit un geste : les Libellules se mirent en marche. Je vis les garçons se glisser dans les buissons, ceux qui étaient sur l'allée s'avancer sans bruit. Je ne pus retenir un cri d'admiration.
Cabri lança un coup de sifflet; les Libellules revinrent vers moi, très fières de cette démonstration.
Pour être franc, je ne vis presque rien car, à un signal de leur CP, les Libellules disparurent dans le bois et se tapirent dans les buissons. La chose se passa si vite que je crus que la patrouille était en train de me faire une farce. Il n'en était rien, je dois l'avouer, car, quelques secondes après, Cabri se dressa au milieu d'une touffe de genêts et m'appela pour que je vinsse constater. En m'approchant de lui, je faillis poser le pied sur un corps allongé dans les hautes herbes et que je n'avais pas vu : c'était un guetteur.
Cabri eut un petit sourire de satisfaction. Il donna quelques commandements au geste et je pus voir les Libellules se faufiler entre les feuillages, tandis qu'un des éclaireurs continuait à avancer sur l'allée avec des ruses de Sioux, profitant pour se cacher des moindres pieds de fougère.
La démonstration s'acheva et la patrouille revint vers moi. Je dis aux garçons combien j'admirais leur tactique et surtout la façon dont ils obéissaient au doigt et à l'oeil.
Il s'arrêta brusquement de parler et parut avoir une idée.
Cabri me tendit son carnet.
Cabri ne se trompa pas. Mon premier soin fut de transcrire quelques détails sur les déplacements de nuit. Les voici tels que Cabri les a lui-même notés :
Sur le carnet de Cabri, je pus encore trouver quelques conseils se rapportant à certaines éventualités qu'une patrouille est amenée à rencontrer au cours des jeux. Ils me parurent tous pleins de sagesse et d'astuce et je n'hésitai pas à les noter aussi.
Voici ce qu'ils disaient.
Pour passer une crête
L'orienteur gagne, en rampant, un point d'où il peut observer à pente descendante. Il repère le premier abri qui s'offre. La patrouille arrive à son tour sur la crête, observe l'abri et, rapidement, fait un bond pour l'atteindre et s'y camoufler (ce peut être un buisson, une haie, un trou ...).
Chaque fois que la chose sera possible, et surtout en zone dangereuse, la patrouille devra chercher à contourner la partie la plus haute de la crête. Le rôle de l'orienteur sera alors de repérer le « cheminement » qui permet cette manoeuvre.
Traversée d'une route
L'orienteur se glisse en rampant sur le bord de la route et observe de chaque côté. S'il n'a rien vu de suspect, il avertit le CP et comme pour l'exemple précédent, la patrouille passe « en bloc » le plus rapidement possible.
Marche sur un chemin droit
L'orienteur doit être détaché loin en avant (puisqu'il est possible de rester en contact à vue avec lui), la patrouille avançant de part et d'autre du chemin, sur les bas-côtés ou dans les fossés. Les tournants doivent être abordés avec prudence après que l'orienteur ait observé au-delà du tournant.
Marche dans un chemin encaissé
Chaque fois que la chose est possible, la patrouille se déplace sur les hauteurs des talus ou des pentes. Si la route est très encaissée (cas de gorges ou d'un défilé), l'orienteur se porte rapidement à la sortie du défilé et la patrouille n'en débouche que lorsque le chemin est reconnu libre.
Traversée d'un bois
Il y a toujours intérêt à contourner le bois si son étendue est faible car c'est un lieu qui se prête aux embuscades. Sinon, l'orienteur opère comme pour un défilé : il se porte jusqu'à la sortie du bois pendant que la patrouille attend à l'entrée; l'agent de liaison assure le contact et la patrouille passe le plus vite possible quand l'orienteur, sachant qu'il n'y a rien à craindre, lui fait signe. Pour que la reconnaissance du bois soit plus vite faite, on peut détacher également les guetteurs de flanc, qui s'assurent, en faisant des sondages sur les côtés, qu'aucun piège n'est préparé.
Traversée d'un village
Elle doit s'exécuter rapidement, surtout pour les places et les croisements de rues que l'orienteur doit reconnaître au préalable. Quand la patrouille n'est pas pressée par le temps, elle peut envoyer un guetteur observer toutes les rues du village en montant sur un point élevé (clocher, tour); c'est le meilleur moyen de se rendre compte si les ennemis ne se trouvent pas dans le village.
Tracé d'une piste
Il peut arriver que, tout en marchant, la patrouille doive laisser une piste (par exemple pour indiquer l'itinéraire suivi à une patrouille amie). Dans ce cas, les deux éclaireurs qui marchent près du CP ont pour mission de tracer la piste pendant que les garçons qui observent sur les côtés ramassent ce qu'il faut pour faire les signes (branches, herbes, cailloux, etc.). Le second, qui marche le dernier, a pour mission de s'assurer que la piste est bien lisible.
Lorsqu'il s'agit, au contraire, de suivre une piste, placer deux observateurs en tête.
Lorsqu'on parle d'attaque à des éclaireurs, ce mot évoque toujours pour eux la grande bagarre, les horions, la ruée sanglante...
Et pourtant, rien de plus inexact.
C'est d'ailleurs là le grand mal dont souffrent actuellement nos jeux scouts et tant que les patrouilles n'auront pas redonné à la tactique sa vraie place, les grands jeux ne retrouveront pas leur vrai visage.
Car la bagarre pour la bagarre, ce n'est pas du jeu!
Je ne suis pas seul, crois-moi, à faire cette affirmation et pour le prouver, je me permets de citer ici quelques lignes, extraites du Kim 19471 que tu n'as sans doute jamais eues sous les yeux :
« Que dire de ce goût permanent de la bagarre immédiate et à tout prix qui gâche les plus beaux moments, précipite les adversaires, constamment tonitruants, en courses irréfléchies, en mêlées brutales et rapides qui mettent fin prématurément à l'aventure et nivellent tous les jeux dans une uniformité décourageante. »
Encore une fois (et on ne le répétera jamais trop!), le jeu n'est pas une « bagarre d'apache ».
C'est pourquoi, avant de parler de la tactique d'attaque d'une patrouille, je tiens à bien préciser que, pour attaquer, il ne s'agit pas de se précipiter sur l'ennemi en poussant des cris de fauves. Un tel assaut est peut-être très spectaculaire; sans doute en revient-on les jambes ensanglantées et les vêtements en lambeaux; ce peut-être également un bon moyen pour endurcir le novice qui est un peu « fillette »... mais entre nous, cela ne s'appelle pas jouer.
Une patrouille qui joue doit évidemment faire preuve de discipline et d'enthousiasme. Encore faut-il que cet enthousiasme soit raisonné.
Il peut arriver que le déroulement d'une attaque amène les éclaireurs à lancer un assaut décisif. Là, bien sûr, il convient que tout le monde joue franc et dur. Mais ceci n'est qu'une partie de ce que l'on appelle « l'attaque »; ce n'est qu'une phase du plan tactique adopté et il ne faut l'envisager que lorsque la nécessité s'en fait véritablement sentir (pour s'emparer d'un poste, faire une percée pour échapper à l'encerclement, etc.). Ce n'est pas à cette bataille de sauvages que doivent obligatoirement se ramener tous les combats de tous les grands jeux.
Ou alors, si la bagarre n'a plus pour motif qu'une vulgaire passion des coups durs, ne parlons plus de tactique!
J'ai dit précédemment que l'attaque s'exécute d'après un PLAN tactique, ceci implique qu'elle se décompose donc en plusieurs MOUVEMENTS.
Le premier de ces mouvements concerne le déclenchement de l'attaque. Il importe que celui-ci soit bien mis au point. Rappelle-toi que, très souvent, c'est la façon dont le combat a été engagé qui décide du résultat final. Lorsque l'ennemi est en vue, il est donc prudent de réfléchir avant de se ruer sur lui et d'envisager clairement la situation :
Ce n'est que lorsque le CP a envisagé tous ces points qu'il décide alors de l'opportunité du combat et de la façon de l'engager. Car il serait ridicule de se battre uniquement pour le plaisir, lorsqu'on sait ne pas être suffisamment fort pour résister. Dans ce cas, il vaut mieux se dérober. Dis-toi bien qu'ÉVITER UNE DÉFAITE, C'EST AUSSI UNE VICTOIRE.
Cette prise de contact avec l'adversaire peut revêtir différentes formes selon les cas qui se présentent.
Voici quelques exemples :
La patrouille des Loups s'est postée de part et d'autre d'un petit sentier que doivent emprunter les Cerfs.
Les Cerfs ne se doutent pas qu'ils vont être attaqués; les Loups vont donc profiter de l'effet de surprise. Ils ont intérêt à déclencher une attaque brusque, rapide et foudroyante. Il s'agit, pour eux, de faire vite et d'exploiter la surprise. Au moment opportun, la patrouille bondit, avec ensemble, au signal du CP, chaque garçon ayant au préalable repéré son adversaire et ne lui laissant pas le temps de se ressaisir.
Dans ce cas précis, les Loups n'ont pas à se préoccuper du terrain, étant donné qu'ayant choisi eux-mêmes le lieu de l'embuscade, ils ont pris position à un endroit qui leur était le plus favorable.
En reprenant l'exemple précédent, je suppose que les Loups, au lieu de tendre une embuscade, se trouvent brusquement devant les Cerfs qui défendent leur camp. Le combat ne va pas, dans ce cas, s'engager de la même manière.
Si les Loups ont été aperçus par les Cerfs, ils ont intérêt à ne pas tarder pour lancer leur attaque, afin de ne pas laisser aux Cerfs la possibilité de prendre l'initiative de la lutte. Toutefois, si les Cerfs ne semblent pas décidés à attaquer les premiers (ils peuvent se sentir inférieurs en force aux Loups), ceux-ci ont intérêt à agir de la façon suivante, c'est-à-dire comme dans le cas où...
Les Loups n'ont pas été aperçus par les Cerfs.
La patrouille étudie avec soin la position tenue par l'ennemi.
S'il s'agit d'un poste à attaquer, elle regarde quel est le système de défense des Cerfs, comment le terrain se prête à l'attaque, quelles sont les ruses à employer, quel est le point faible de la défense, etc.
Quand cette étude préparatoire des CONDITIONS du combat est achevée, le CP conçoit un plan. Avant de dévoiler toute sa patrouille et de la lancer à l'attaque, il a souvent avantage à donner quelques coups de sonde qui sont exécutés par deux ou trois éclaireurs (tentatives d'attaque, ruses, faux assauts). Cela permet de se rendre compte des réactions de l'adversaire, de son plan de défense, et l'amène souvent à modifier sa tactique.
Une fois renseignée, la patrouille peut alors songer à engager la lutte décisive.
S'il s'agit de lutte au foulard, le combat se présente nécessairement sous la forme d'une bagarre à laquelle tout le monde sans exception doit prendre part. Cette bagarre doit être virile, comme peuvent la jouer des garçons rudes et aimant le risque, mais cela ne veut pas dire qu'elle doit être aveugle et sauvage.
Même dans l'ardeur de la bataille, le jeu doit demeurer intelligent et chevaleresque.
Il est impossible de donner des règles fixes qui puissent s'appliquer à tous les combats. En, règle générale, la patrouille a toujours intérêt à agir le moins souvent possible par la force et à chercher la victoire par la MANOEUVRE ET LA RUSE.
Ce sont là deux idées qui sont bien trop souvent négligées. Cette erreur est d'ailleurs presque toujours la cause du manque d'intérêt des jeux car elle les ramène tous à la même et classique bagarre dont les éclaireurs finissent un jour ou l'autre par se lasser.
C'est pourquoi une patrouille qui joue intelligemment doit rechercher, selon les circonstances, à combattre de différentes manières et selon des plans variés dont voici quelques exemples.
Tout ceci n'est que théorie. En pratique, tous les combats n'entraînent pas nécessairement l'emploi de tel ou tel procédé, mais chaque combat est plus ou moins un combiné de ces divers moyens.
Une tactiques de patrouille doit être souple et s'adapter aux nécessités de la lutte. Cela se juge et se décide sur place, le moment venu. Mais quelle que soit la manoeuvre adoptée, il faut que tous se conforment au plan d'ensemble et que les efforts ne s'éparpillent pas inutilement.
C'est là le seul gage de réussite.
Exploiter le succès, c'est profiter à fond d'un avantage acquis pour aller jusqu'à la victoire complète.
Par exemple :
Généralement, les patrouilles se contentent d'attaquer un seul objectif. S'il s'agit, par exemple, de s'emparer de l'enjeu de la partie (fanion, trésor ou autre), elles estiment volontiers le jeu terminé lorsqu'elles ont rempli cette condition.
Et c'est une erreur.
Une patrouille n'abandonne la lutte que lorsqu'elle a rempli jusqu'au bout sa mission et pris toutes les « vies » de l'adversaire. Ceci n'empêche pas, évidemment, qu'elle doit d'abord s'attacher à remplir la mission essentielle du jeu (celle qui rapporte vraiment la victoire).
Quoi qu'il en soit, il ne faut jamais perdre de vue que :
Un bruit de course... les buissons s'agitent de chaque côté du sentier, puis s'écartent.
Se voyant découverts, les Aigles sortent de leur cachette pour résister à l'attaquant.
Les Ramiers comprennent qu'il va falloir jouer serré. Ils savaient que ce passage était gardé mais ils ne s'attendaient pas à tomber sur une patrouille entière.
Et pourtant, il faut qu'ils passent, il faut qu'ils enfoncent la défense des Aigles car la mission donnée par le chef est claire : « Les contrebandiers doivent pénétrer dans la zone franche. »
Cette « zone franche », elle est là, devant eux, à une centaine de mètres. C'est une vaste clairière qui se découpe dans la forêt. Une patrouille alliée y a caché la « marchandise » que tout à l'heure les « contrebandiers » devront prendre pour la rapporter à leur camp.
Seulement, pour pénétrer dans la « zone franche », il faut passer et les Aigles ont terriblement bien choisi le terrain pour se défendre.
Ils semblent d'ailleurs très impatients, les Aigles, très nerveux! S'étant fait repérer par un guetteur des Ramiers, ils ont quitté leur cachette et se sont groupés sur le petit sentier qui, à cet endroit, entre deux blocs de rochers, prend l'allure d'un petit défilé.
Mais les Ramiers ne leur laissent pas le temps de rêver. Trois garçons, parmi les plus forts de la patrouille, se lancent à l'attaque.
La lutte s'engage, pas trop farouche cependant, car il semble que les assaillants tiennent à ménager l'adversaire. Cela donne confiance aux Aigles. Ils se précipitent avec plus d'ardeur, s'avancent petit à petit, au fur et à mesure que les Ramiers reculent.
Le CP des Ramiers vient de prendre un foulard à Louis, le 3e des Aigles. Cela donne un coup de fouet à la patrouille qui se bat plus durement.
Bientôt, la lutte devient aveugle. Les Aigles se sont avancés encore davantage si bien qu'ils ne peuvent plus profiter du terrain favorable qu'ils avaient tout à l'heure car ils n'ont plus les deux gros rochers pour les protéger sur les côtés.
Par contre, les Ramiers se battent plus âprement.
Deux Aigles se retournent absolument stupéfaits : un Ramier, profitant de leur inattention, a réussi à se glisser derrière les défenseurs et à prendre deux foulards par surprise.
Le CP des Aigles voit le danger; il tente de reculer vers le rocher pour s'y adosser. Hélas! Les Ramiers ont deviné la manoeuvre; le chemin de repli est coupé et les Aigles voient arriver l'instant où ils vont se trouver encerclés.
Deux éclaireurs foncent droit devant eux pour échapper à ce piège, mais l'un d'eux est pris au passage.
C'est la débandade qui commence. Les Aigles s'éparpillent, mais avec tous les éclaireurs mis hors de combat, ils doivent lutter à un contre deux.
Le CP et le second font des prodiges de bravoure et se démènent comme des démons.
Peine perdue!... Ils succombent à leur tour sous le nombre.
Le dernier foulard a quitté lui aussi la ceinture. La défense est annihilée. Les Ramiers poussent un grand cri de triomphe.
Quelques secondes plus tard, les « contrebandiers » pénètrent dans la « zone franche ».
Et voilà comment une patrouille, irréfléchie, se fait « plumer »!
Dans les conditions où ils se trouvaient : à égalité de force avec les Ramiers, profitant de l'avantage d'un terrain bien choisi, les Aigles devaient normalement remporter la victoire.
Seulement, pour arriver à ce résultat, encore eût-il fallu qu'ils missent sur pied un plan de combat. Ils avaient une mission qui était d'interdire le passage du sentier aux Ramiers; après s'être installés sur leurs positions, ils auraient dû se mettre d'accord entre eux sur une TACTIQUE DE DÉFENSE, chose qu'ils ont négligé de faire.
La défense, tout autant que l'attaque (si ce n'est plus!) demande à être exécutée suivant une certaine manoeuvre.
En effet, une patrouille qui se défend est amenée à engager le combat sans l'avoir recherché (c'est le cas des Aigles dans l'exemple que je viens de donner), donc sans pouvoir en prendre l'initiative. Ceci la place, à priori, dans une situation désavantageuse. Pour rétablir cette situation et retrouver l'avantage, elle doit donc avoir pour premier objectif de reprendre l'initiative de la lutte.
Ceci peut s'obtenir grâce à une ou plusieurs manoeuvres (qu'il est bon d'avoir prévu, en partie, à l'avance) et qui s'exécuteront, le moment venu, en fonction du plan adopté par l'ennemi.
C'est cette tactiques de défense qui, seule, peut permettre à la patrouille de déjouer la manoeuvre de l'adversaire et lui donner la possibilité d'appliquer, à son tour, son propre plan de combat.
1. Parer à la surprise
C'est le rôle des guetteurs qui avertissent de l'arrivée de l'ennemi.2. Deviner les intentions des assaillants
En général, celui-ci attaque suivant un certain plan qu'il a choisi comme étant, à son avis, le plus capable de lui valoir le succès. Si la patrouille veut déjouer ce plan, il faut au moins qu'elle le connaisse.3. Étudier ses mouvements
Tout plan d'attaque prévoyant nécessairement une certaine manoeuvre, les déplacements de l'assaillant offrent souvent la possibilité de prévoir de quelle manoeuvre il s'agit, donc d'y apporter la parade voulue.4. Désorganiser l'attaque
Si la patrouille a cru deviner le plan de l'ennemi, elle agit aussitôt en conséquence pour le faire avorter, par exemple : une patrouille défend un poste et se rend compte que l'assaillant se prépare à donner un coup de boutoir. Elle fait exécuter une sortie à un des garçons afin de détourner l'attention de l'adversaire et de l'empêcher de réaliser son projet.
Mis à jour / révisé le 20-02-2009
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